REPORTAGE – Xavier Boivert, Président de l’association Breizh SBA au micro de Radio Village Innovation
Reportage diffusé le 4 décembre 2018 (cliquez ici pour l’écouter en ligne)
Stéphane ZUNINO a invité Xavier BOIVERT, co-Président de l’association Breizh Small Business Act à un échange en direct sur le thème de la promotion de l’innovation « made in Bretagne ». Avant de se lancer dans l’achat d’innovation, explique Stéphane ZUNINO, l’acheteur public doit commencer par lui-même : faciliter son acte d’achat, rendre accessible ses marchés, mieux exprimer la définition du besoin et être plus transparent. La première initiative lancée par des acheteurs est bretonne avec la création de Breizh Small Business Act en 2011, suivie d’une charte de la commande publique en 2014.
Comment rapprocher les acteurs et lever les contraintes qui pèsent sur la commande publique ? Comment favoriser l’accès à l’innovation ?
Nous vous proposons ici quelques morceaux choisis de l’échange de Stéphane ZUNINO avec Xavier BOIVERT.
Les motivations à l’origine de l’association
Toutes les collectivités de Bretagne étaient à l’époque dans le syndicat mixe Mégalis Bretagne pour avoir un profil mutualisé d’acheteur et c’est principalement deux personnes, la Directrice de ce syndicat et une juriste qui se sont dit : on a déjà quasiment tous les acheteurs publics sous la main, on a l’habitude de dialoguer avec nos opérateurs économiques alors pourquoi ne pas les mettre tous ensemble pour faire progresser l’outil breton au profit du territoire breton, c’est-à-dire principalement ses PME.
Une charte qui engage les acteurs publics et les opérateurs économiques
En 2013 on a rédigé cette charte avec tous les acteurs qu’on a pu trouver et qu’on a mis autour de la table. C’était vraiment un effort collectif significatif. On l’a créée avec six engagements qui sont à la fois des engagements de l’entreprise, de l’opérateur économique périphérique à l’entreprise qui va répondre à l’achat public et évidemment l’acheteur public. Ces six changements ont toujours deux versants : un public et un économique.
L’idée de cette charte est d’aller sur des axes sur lesquels les opérateurs, quels qu’ils soient, peuvent travailler. Par exemple renforcer la transparence de la commande publique ; c’était à l’époque, et encore maintenant, quelque chose qui préfigurait ce qu’on sentait, c’est-à-dire l’arrivée évidemment de l’open data et finalement l’obligation au travers de l’évolution d’un code des marchés publics qui disait que dès le 1er euro on est déjà dans de la commande publique. Il y avait aussi l’idée qu’il faut anticiper au maximum les informations financières pour pouvoir permettre à chacun de se projeter dans un budget probable.
Et donc adopter une posture économiquement et socialement responsable. Ne pas faire traîner non plus le paiement, valoriser l’implication territoriale par la connaissance des savoir-faire et des politiques publiques par les personnes publiques locales. Investir les démarches d’ingénierie contractuelles et innovantes.
Et puis la dématérialisation dans un 5ème engagement et aussi agir ensemble en faveur de la formation et de la qualité professionnelle que cela soit d’un côté ou de l’autre.
Le projet d’une plateforme d’open data en Bretagne
On n’a pas la prétention d’avoir influencé mais je pense qu’on a participé à une émergence par les territoires par la réalité concrète de choses qu’il fallait mettre dans ce nouveau code. Après c’est l’open data qui nous a bien occupés après cette fameuse charte de 2014 à 2016 avec des fonds européens, des fonds régionaux, des fonds de l’Etat et la Caisse des Dépôts. Tous ces acteurs-là ont dit ok, « vous avez visiblement un projet, vous avez anticipé sur l’open data. On était connectés à Etalab et à plein d’acteurs nationaux ou locaux sur l’open data. Faites ce projet et montrez-nous que c’est possible ».
L’idée d’une plateforme d’open data est une belle perspective et un vrai challenge parce qu’il y a deux éléments importants qu’il faut prendre en compte : l’aspect technique pur, c’est-à-dire qu’il faut déterminer une donnée qu’on va pouvoir libérer, la construire avec un format, une capacité d’exploitation et puis choisir ce qu’on met dedans. C’est-à-dire que ce qu’on va considérer pour un achat public c’est d’établir les éléments significatifs pour parler d’un marché. Déjà on va retenir que c’est l’offre qu’on a retenue et pas toutes les autres. Ensuite on va choisir comment on caractérise cette donnée : c’est une date, un montant, un type de marché… un certain nombre d’éléments qui doivent être vraiment travaillés pour qu’à un moment donné ça soit vraiment utile à quelqu’un.
La nécessité d’industrialiser l’extraction des données
L’autre challenge d’un point de vue construction de cette plateforme ça va être d’avoir cette donnée. Et je ne vous cache pas que en dehors des moyens qui vont peut-être automatisés d’extraction des logiciels que l’on a en interne, il sera extrêmement difficile d’aller sur un vrai open data demain. Si on n’arrive pas à industrialiser un modèle d’extraction par les éditeurs, ce qu’est en train de faire maintenant la Région [Breizh SBA a passé la main à la Région Bretagne concernant le projet open data]. On a fait la preuve en 2016 qu’on pouvait le faire.
Notre modèle initial qui était la preuve de concept sur le format pivot principalement se heurte à une mise en œuvre. C’est pourquoi l’association a encore une vocation très forte : il faut arriver à porter et à animer cet écosystème de la commande publique pour que d’un côté les acheteurs continuent à s’investir car ce n’est pas simple de faire de l’open data. Pour l’entreprise, si elle n’a que 10% des données des marchés publics en open data ça n’a pas d’intérêt.
Il va falloir arriver à se mobiliser aujourd’hui pour que l’ensemble des acheteurs publics donnent accès à des données compatibles avec les différents formats et que derrière un modèle économique émerge l’investissement des entreprises sur cette problématique.
Les entreprises bretonnes en quête de leur propre politique de marchés publics
Ce qui est intéressant au travers de Breizh SBA c’est qu’on a réussi à trouver quelques entreprises qui ont trouvé des modèles de développement de leur politique des marchés publics et qui ont dit « Nous, aujourd’hui, à force d’aller vers les marchés publics et vers les acheteurs publics y compris au sein de Breizh SBA, on a compris ce qu’il fallait qu’on fasse.
Je prends l’exemple de l’entreprise Self Signal avec Jean-Charles Jego qui m’a dit « à force d’essayer de comprendre et de mieux en mieux répondre aux achats publics bretons j’ai commencé à aller chercher des marchés très loin. » En l’occurrence lui, il savait que ce qui avait plu à tel ou tel moment dans les options qu’il proposait ou dans la construction de son cahier des charges qui lui avait vraiment donné un temps d’avance. Et il est allé chercher des marchés dans le sud.
Et je pense que les gens qui voudraient venir en Bretagne pourraient évidemment le faire de la même façon. Nous on est vraiment sur un développement ouvert mais on est persuadés que les entreprises bretonnes en étant dans la démarche peuvent se donner ce temps d’avance par la pratique de l’achat public, sur l’ensemble des achats publics.
La création d’un observatoire des acheteurs publics
Stéphane ZUNINO clôt l’échange en demandant à Xavier BOIVERT un conseil qu’il pourrait donner aux startupeurs ou aux entreprises qui pourraient s’installer en région Bretagne.
Connaissez les interlocuteurs, sachez qui achète quoi. Et c’est pour ça que moi aujourd’hui je suis en train de me dire que la meilleure chose qu’on pourrait créer c’est une sorte d’observatoire des acheteurs publics, qui serait vraiment une innovation car on saurait qui fait quoi, comment. Et ce serait vraiment un atout pour tout le monde. C’est un énorme challenge. On ne baissera pas les bras, on essaiera de le faire et évidemment les entreprises seront les bienvenues y compris hors de Bretagne, pour la Bretagne, et terre d’accueil.